Christianisme et aveu
Darthmouth College 24 novembre 1980 – Berkeley 21 octobre
1980
Foucault, Michel (2013). L'origine de l'herméneutique de soi. Conférences prononcées à Darthmouth College, 1980. Éd. établie par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini. France : Vrin.
Le sujet des
conférences est le même : « comment s’est formé l’herméneutique de soi [l’analyse
interprétative de soi/du sujet] dans les sociétés modernes ». L’herméneutique
de soi moderne prend racine bien plus dans les techniques chrétiennes de
l’examen de soi et de l’aveu que dans les techniques classiques grecques et
latines [Berkeley a, p.
66: dans les philosophies hellénistiques et romaines tardives]. (p. 65) à [Berkeley a, p.
69 : il faut étudier les formes de manifestation de la vérité à soi des
chrétiens des premiers siècles]
Berkeley a, p. 65-66 : Les pratiques de l’examen de soi et de l’aveu sont témoins de la
généalogie du soi moderne. Cette généalogie est l’une des voies possibles pour
se débarrasser de la philosophie traditionnelle du sujet. Discontinuité entre
le gnôthi seauton et le «connais-toi toi-même » moderne : le but des
techniques classiques est de donner force à la vérité chez l’individu et de
constituer le soi comme unité idéale de la volonté et de la vérité [soi
gnomique]; le but des techniques chrétiennes est de déchiffrer une vérité
cachée dans les profondeurs de l’individu.]
Le
christianisme est une confession qui impose une obligation de vérité (2 sens chez Foucault).
- obligation
de croire (foi) : de tenir pour vrai de propositions d’un dogme, des livres ou des
décisions de l’autorité. [Berkeley a, p. 66-67 : obligation
de croire, mais aussi de manifester sa foi et de montrer qu’on croit]. (p. 66)
- obligation
de connaître notre vérité à nous, de la manifester et de l’authentifier :
chaque chrétien a le devoir savoir qui il est (fautes, tentations) et est obligé
de dire ces choses et de porter témoignage contre lui-même. (p. 67)
Ces deux
ensembles sont liés l’un à l’autre [Saint Augustin dit : faire la vérité en soi
(purification de l’âme) et accéder à la lumière de Dieu (c’est-à-dire, à la
vérité de la foi) sont des processus liés et réciproques dans le christianisme].
(p. 67).
Ces deux
relations à la vérité sont aussi dans le bouddhisme et dans les mouvements gnostiques
des premiers siècles, mais dans ces mouvements les deux relations étaient
presque identifiées (chez les gnostiques, découvrir la vérité en soi = accès à
la lumière).
Note 5, p. 95 : Rapport entre la mystique bouddhiste zen et les techniques chrétiennes. Leurs
techniques sont comparables, mais la spiritualité chrétienne recherche
l’individualisation ; la spiritualité bouddhiste cherche à atténuer
l’importance de l’individu – désindividualisation, désubjectivisation –. Dans
le bouddhisme et le christianisme aussi, on doit aller vers la lumière pour
découvrir la vérité sur soi-même, mais l’obligation est différente : dans le
bouddhisme il y a une illumination simultanée du soi (ce qu’on est) de la
vérité. À la faveur de cette illumination l’individu découvre que le soi
n’était qu’une illusion.
Note 6, p. 95-96 : [Cours au Collège de France 1979-1980 :] Mouvements gnostiques : présomption
de la perfection ; idée que l’esprit est
une étincelle ou parcelle de la divinité et que le salut s’obtient en
retrouvant en soi cet élément divin. Pour le gnostique, connaître Dieu = se
reconnaître soi-même. C’est pour cela que christianisme avait besoin de se
détacher de la présomption de perfection. [Leçon du 17 février 1982 HS :] Foucault
oppose deux “modèles” de la connaissance de soi : 1) modèle platonicien et
gnostique (fonction
mémoriale, [1] réminiscence de
l’être du sujet par lui-même) ; 2) modèle chrétien (fonction exégétique,
détecter la nature et l’origine des mouvements intérieurs qui se produisent
dans l’âme). [Leçon 17 mars 1982 :] La spiritualité chrétienne (fin S.III)
s’est affranchie de la gnose en rejetant ses deux principes fondamentaux : le
principe de connaissance de soi et le principe de la reconnaissance de soi comme
élément divin.
Note 7, p. 96 : Cours au Collège de France : Foucault parle de la mystique comme « pôle
parrèsiastique du christianisme », comme une contre-conduite qui échappe
essentiellement au pouvoir pastoral et à son « économie de la vérité » (vs le pôle
antiparrèsiastique de la tradition ascético-monastique
Berkeley a, p. 68 : Soi gnostique : « soi que doit être découvert dans l’individu comme une
étincelle oubliée de la lumière primitive » [et divine] [différence avec le soi
gnomique]
Même si ces deux
ensembles d’obligations sont liés l’un à l’autre, dans le christianisme ils
conservent une autonomie relative. Les secrets de l’âme et les mystères de la
foi ne sont pas éclairés par le même type de lumière. « Ils font appel à des méthodes différentes et mettent en œuvre
des techniques particulières. (p.68)
Object
d’étude : obligation de connaître notre vérité à nous, de la
manifester et de l’authentifier. [Berkeley a, p. 69 : considérer le
christianisme comme la religion d’un soi qui doit être déchiffre et non d’un
live qui doit être interprété]
Les formes
de manifestation de la vérité au sujet d’eux-mêmes dans le premier
christianisme n’impliquent pas le sacrement de pénitence et la confession
canonique des péchés (ce sont des innovations tardives dans le christianisme).
Les
obligations de manifester la vérité se trouvent dans deux institutions :
1) les rites pénitentiels (pratique de la pénitence, exomologesis) et 2) la vie monastique (pratique de la direction de
conscience, exagoreusis). (p. 69, 87)
Note 11, p. 96: Dans le cours Gouvernement des
vivants Foucault analyse 3 pratiques de manifestation de la vérité
individuelle : le baptême, la pénitence ecclésiale et la direction de
conscience]
1e
institution) Les rites pénitentiels (pratique de pénitence, exomologesis) :
- Dans les
premiers siècles du christianisme la pénitence n’était pas un acte, mais un statut[2] . Fonction: éviter l’expulsion de l’Église d’un pécheur ;
au moyen de ce statut, il peut obtenir sa réintégration. (p. 70)
- Pour
désigner les jeux de vérité et les obligations de vérité qui concernaient les
pénitents, les Pères grecs utilisaient le mot exomologesis. (p. 70)
- Le mot exomologesis désigne :
1) en un
sens général, la reconnaissance d’un fait [Berkeley a, p. 70 : un
accord sur la vérité d’un fait] ;
2) dans le
rite pénitentiel, l’exomologesis désigne
un épisode qui avait lieu à la fin de la procédure pénitentielle : épisode de
révélation de soi dramatique au moment de la réconciliation [réintégration] du
pénitent ;
3) le mot
est fréquemment utilisé pour désigner tout ce que le pénitent fait pour obtenir
sa réconciliation pendant le temps où il conserve le statut de pénitent. (p. 71). « Les actes par lesquels [le pénitent] se
punit sont indissociables des actes par lesquels il se révèle. Punition de soi et expression volontaire de
soi sont liées l’une à l’autre. » à « La
pénitence aux premiers siècles du christianisme est un mode de vie qui se
manifeste à tout moment à travers une obligation de se montrer soi-même » :
c’est l’exomologesis. (p. 72)
Berkeley b, p. 70 : Dans le rite pénitentiel, quand un pécheur sollicite la pénitence, il
expose les raisons de sa demande à c’est l’expositio
casus : il explique les fautes qu’il a commises. Cette exposition courte
précédait la pénitence mais elle ne faisait pas partie de la pénitence elle-même[3] .
- L’exomologesis
implique [l’une es conséquence de l’autre et Foucault ne fait pas une distinction
de dimensions] :
1) Dimension
dramatique, publique et spectaculaire de l’exomologesis
[4] : L’exomologesis
obéit à une loi d’emphase dramatique et de théâtralité maximale (il n’y a pas
un principe judiciaire de corrélation ajustant la punition au crime);
2) Dimension
corporelle et symbolique : L’exomologesis est une théâtralisation de la vie, du
corps, des gestes du pénitent où le langage joue un rôle mineur ; il y a des
expressions corporelles et symboliques. Elle « n’obéit pas à un principe de vérité
fondé sur la correspondance entre énonciation verbale et réalité »: il n’y a
pas ni aveu, ni énumération verbale ni analyse des péchés (p. 72). La véritable pénitence ne s’accomplit pas d’une façon
nominale (p. 72) [note du cours: c’est-à-dire, dans
le discours – confession verbal. Il faut qu’il ait une démonstration du corps
puni. La pénitence est l’exhibition et mortification de la cause du péché (le
corps)]
Note 19, p. 98: Foucault insiste sur la dimension dramatique et publique de l’exomologesis po”ur marquer le
contraste avec l’exagoreusis. « D’un
point de vue formel, et non pas certes de contenu, cette insistance sur la
théâtralité et sur l’expressivité non verbale de l’exomologesis trouvera un parallèle dans l’étude foucaldienne du
cynisme ancien, dont la spécificité réside précisément en ce que la parrêsia, le dire vrai, ne consiste pas,
pour le cynique, seulement ou même avant tout en une pratique verbale, mais en
une forme de l’existence qui rend visible « dans les gestes, dans les corps,
dans la manière de s’habiller, dans la manière de se conduire et de vivre, la
vérité elle-même ».
- L’exomologesis est ce moment où le péché est effacé, et
cela en montrant le pécheur tel qu’il est dans sa réalité – sale, profané,
souillé. (p. 72)
- Tertullien traduit ‘exomologesis’
avec le mot ‘publicatio sui’ : le
chrétien doit se publier soi-même (2 choses à faire) :
1) se
montrer lui-même en tant que pécheur, comme quelqu’un qui a préféré la mort
spirituelle à la vie éternelle. à C’est pour
cela que l’exomologesis était une
représentation de la mort (pécheur représenté comme mourant) (p. 73)
2) Exprimer
la volonté de se libérer de ce monde, de se débarrasser de son propre corps et
chair et d’accéder à une nouvelle vie spirituelle. à Exomologesis :
représentation dramatique du renoncement à soi [5] (du pécheur comme voulant sa propre mort en tant que
pécheur) (p. 73)
Berkeley a, p. 74 : La Publicatio sui a deux
fonctions : 1) elle est destinée à effacer le péché et à restaurer la pureté
antérieure; 2) elle est destinée à montrer le pécheur tel qu’il est. Le pécheur
doit se produire lui-même en tant que pécheur (statut).
- Modèles
auxquels recourent les Pères chrétiens pour justifier l’exomologesis et la renonciation à soi à travers la manifestation de
la vérité au sujet de soi : 1) modèle médical [continuité avec la philosophie païenne, p. 42, 45]
; 2) modèle judiciaire ; 3) modèle du martyre (le plus important) (p. 73) [Voir Berkeley, p. 75]
- Martyr:
celui qui préfère affronter la mort (c’est-à-dire, renoncer à la vie) plutôt
que renoncer à sa foi; pécheur : celui qui renonce à la foi pour conserver la vie
d’ici-bas. Le pécheur sera réintégré s’il s’expose à une sorte de martyre [la
pénitence comme exomologesis] à
partir de la manifestation publique et dramatique de ce qu’il est. Cette
manifestation n’a pas pour fonction d’établir une identité personnelle, elle
sert à témoigner le refus de soi et la rupture avec soi-même (p. 73). Rupture représentée par la
conversion à
Formule au cœur de l’exomologesis : ego non sum ego : « l’exomologesis cherche à superposer la
vérité au sujet de soi et le renoncement à soi » ; « la révélation de soi est,
au même moment, destruction de soi » (p.
74) [discontinuité avec stoïciens, p. 74]
Note 23, p. 99 : Paradoxe de l’humilité chrétienne [question de la conversion]. Elle dérive du fait
que, à travers l’exomologesis, «on veut mourir à la mort »[6] on montre qu’on
est mort (parce qu’on a péché) et, en même temps, que l’on meurt à la mort : on
fait émerger la vérité de soi-même en tant que pécheur et on efface la mort en
devenant capable de renaître.
Berkeley a, p. 75 : La pratique et la théorie de la pénitence ont été élaborées autour du
problème des relaps : ceux qui renoncent à la foi pour conserver la vie
d’ici-bas [note 25, p. 99:
ceux qui avaient “failli” au moment de la persécution et qui, regrettant leur
geste, souhaitaient être réintégrés dans l’Église]; le relaps sera réintégré
s’il s’expose volontairement à une sorte de
martyre.
« La pénitence, dans la mesure où elle est une reproduction du martyre, est
une affirmation de la metanoia [voir définition,
note 26, p. 100], du changement, de la rupture
avec soi-même, avec son passé, une rupture avec le monde et avec toute la
vie antérieure. Elle la rupture avec soi, ego
non sum ego, et les gestes de macération servent à montrer l’état de
pécheur dans sa vérité et l’authenticité de la rupture. L’exomologesis cherche à superposer, par un acte de rupture violente,
la vérité au sujet de soi et la renonciation à soi» (p. 76)
2e
institution) la vie monastique (pratique de la direction chrétienne de
conscience, exagoreusis) :
- Transfert
dans la spiritualité chrétienne de technologies de soi provenant des pratiques
de la philosophie païenne (que la vie monastique se présentait comme une forme
de vie philosophique), ex: Jean Chrysostome examen de soi administratif pareil
à ce de Sénèque (p. 76-77) [continuité]
- Discontinuité : les
pratiques païennes étaient modifiées sous l’influence de 2 éléments de la
spiritualité chrétienne:
1) Principe
d’obéissance : Dans la relation entre le maître et le disciple, la
obéissance est absolue, total et continue; est une relation permanente;
l’esprit d’obéissance doit être conservé comme un sacrifice permanent de la
volonté.
Note 29, p. 101: Leçon 19 mars 1980, Foucault parle sur 2 obligations fondamentales dans
la direction de conscience : obéir et tout dire de soi-même. Discontinuité par
rapport à la pratique de direction antique : dans la direction chrétienne on
n’obéi pas en vue d’un objectif extérieur comme la tranquillité de l’âme, mais
parce qu’on doit produire un « état d’obéissance » permanent et définitif.
L’obéissance est à la fois soumission, patientia
et humilité, et elle est en même temps la condition et le but de la direction.
2) Principe
de contemplation active et continue de Dieu : Dans la vie monastique, le
bien suprême n’est pas la maîtrise de soi [parce que cela renvoie à la volonté
du sujet ; discontinuité],
mais la contemplation de Dieu. Cette contemplation doit être [obligation]
continuelle, et le moine a l’obligation d’être pure pour voir Dieu et recevoir
de lui la lumière. (p. 77-78)
- Donc
technologies de soi particulières. [Note de cours : elles se
développent comme stratégie de purification des pensées impures.]
1) Examen
de soi : L’examen permanent de soi concerne plus les pensées
que les actions [discontinuité].
- Object de
l’examen : les logismoi ou cogitationes, les mouvements presque
imperceptibles des pensées, la mobilité permanente de l’âme. « La matière
première sur laquelle s’exercent la surveillance et l’examen de soi est un
domaine antérieur aux actions, antérieur aussi à la volonté, même antérieur aux
désirs – une matière beaucoup plus tenace que la matière que le philosophe
stoïcien doit examiner en lui. » C’est la matière que le moine doit
continuellement pour maintenir son esprit orienté vers Dieu. (p. 79)
Note de cours : Foucault a une position constructiviste modérée : il y
a une matière qui préexiste, laquelle est identifiée et modelée par le
dispositif de l’aveu. Foucault n’est pas n constructiviste radical [l’aveu
construit les mouvements presque imperceptibles].
- Le moine
examine la nature, la qualité et la substance de ses pensées. [Note de cours : L’examen de la
pensée implique un examen continuel de l’intention, un moral des intentions :
pourquoi se produit une pensée ? (p. 79)] Trois comparaissons de Cassien : métaphore du
moulin, de l’officier, du chargeur d’argent à fonction de trier, de discriminer, d’examiner
l’authenticité et la qualité des pensées. Scrupule de conscience, soupçon.
- Discontinuité [7] : il n s’agit pas de la question de ce qu’est vrai ou faux
[voir définition de vérité], mais d’examiner la pensée elle-même,
indépendamment de la vérité des choses qu’elle représente. (p. 80). Nous devons
déchiffrer nos pensées comme des données subjectives qui doivent être
interprétées et examinées minutieusement, dans leurs racines et leurs origines.
(p. 81)
- Ressemblance
avec textes de Freud au sujet de la censure. Censure = même chose et l’inverse
du chargeur d’argent de Cassien. (p. 81)
Similitude
: ils contrôlent l’accès à la conscience de certaines représentations et rejettent
les autres. (p. 81) Différence
: le chargeur d’argent a pour fonction de déchiffrer ce qui est faux ou
illusoire, il ne laisse passer que l’authentique (chargeur d’argent = opérateur
de vérité à travers la capacité de discretio
[Berkeley a, p. 82: la discretio des Pères latins est la diacrisis des Pères grecs]). La censure
freudienne rejeté ce qui se présente tel qu’il est et accepte ce qui est
déguisé (censure = opérateur de fausseté à travers la symbolisation). (p. 82)
- Comment
est-il possible de réaliser continuellement cet examen de soi ? à À partir de l’aveu continuel de tout. L’ancienneté du
maître lu permet de distinguer la vérité de l’illusion dans l’âme [Note du cours
: limite de l’introspection, on a besoin de quelqu’un avec de l’expérience.]
Note 41, p. 103 : verbalisation permanente et exhaustive qui possède en soi une vertu
interprétative ; l’exagoreusis est
différent de l’aveu des péchés parce que celui-ci implique l’obligation de dire
les fautes et l’exagoreusis est
l’obligation de tout dire, singulière dans la spiritualité du IVe-Ve
siècles.
Berkeley a, p. 83-84 : Cassien : « constitution de la pensée comme champ de données subjectives [8] requérant une
analyse interprétative pour découvrir le pouvoir de l’autre en moi » :
l’herméneutique de soi commence ici. 1) pensées=objets à analyser. 2) Elles ne
doivent pas être analysées en relation
avec leur objet, mais suspectées en elles-mêmes. 3) L’homme doit faire un
perpétuel travail d’interprétation (herméneutique) afin de découvrir la réalité
achée à l’intérieur de la pensée et afin de ne pas être victime de ses pensées.
4) Cette réalité cachée est un pouvoir qui est de même nature que mes pensées
ou que mon âme : c’est le diable,
la présence de quelqu’un d’autre en moi.
2) Aveu
: L’aveu continuel de tout avec un
maître permet distinguer la vérité de l’illusion dans l’âme.
- Nécessité
de l’aveu :
1) il permet
de faire l’examen de soi continuel ;
2) il y a
une vertu de vérification dans l’aveu : la verbalisation constitue un moyen de
trier les pensées qui se présentent : on peut tester la valeur de nos pensées
selon qu’elles résistent ou non à la verbalisation. L’acte verbal de l’aveu est
la preuve de la vérité, il fait apparaître la vérité et la réalité de ce qui
est arrivé à
pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas faire référence à les pensées qui sont
mauvaises sans difficulté (rougir, hésiter, honte sont la preuve que les
pensées sont habitées/possédées par le diable) à
pourquoi ? Parce que Satan en tant que principe du mal est incompatible avec la
lumière (discours explicit =lumière). (p.85)
- Relation d’adresse [interpellation] : Pour que l’aveu
soit effective la présence d’un père spirituel ou abba est requise parce qu’est l’image de Dieu et la verbalisation
est un moyen de placer
les cogitationes sous les yeux de
Dieu[9] . « Sous cette lumière divine elles montrent
nécessairement ce qu’elles sont » (p. 85)
Note 46, p. 104 : Discontinuité
: Le christianisme produit une « inversion de charge » dans l’histoire des
obligations de « dire vrai ». 1) La psychagogie gréco-romaine était proche de
la pédagogie et le maître est qui tient le discours de vérité. Le christianisme
décroche psychagogie et pédagogie en demandant à l’âme qui est psychagogisée et
conduite de dire une vérité. Cette vérité est un des éléments de l’opération
par laquelle son mode d’être va être changé.
Caractérisation
de l’aveu : exagoreusis,
verbalisation permanente, exhaustive et sacrificielle des pensées. (p. 86)
-
L’aveu/verbalisation a une fonction interprétative : pouvoir de discrimination
(discretio [voir p. 82]).
- L’aveu est
une activité permanente et contemporaine au flux des pensées [discontinuité avec
les stoïques : aveu des actes passés].
- Le rôle de
la verbalisation est de déterrer les origines et les parties secrètes de la
pensée dans ses profondeurs.
- L’aveu
porte les cogitationes à la lumière
extérieure et ainsi conduit l’âme du règne de Satan à la loi de Dieu à
mouvement vers Dieu et renonciation à Satan et à soi-même ; la verbalisation
est un «sacrifice de soi »
- Ainsi, la
verbalisation est un moyen pour que la conversion (metanoia) se développe et produise son effet.[10]
- L’exagoreusis est un moyen de renoncer à
soi et de ne plus vouloir être le sujet de la volonté [parallèle avec le modèle
du martyre dans l’exomologesis. (p. 87)
L’exomologesis [obligation de macérer le
corps] et l’exagoreusis [obligation
de verbaliser les pensées] sont liées à
élément commun : « la révélation de la vérité au sujet de soi ne peut pas, dans
ces deux expériences du christianisme primitif, être dissociée de l’obligation
de renoncer à soi [11] ». [Continuité entre les principes malgré les discontinuités]
Paradoxe
chrétienne : lien entre production de vérité et renonciation à soi. La vérité
au sujet de nous-mêmes et le sacrifice de nous-mêmes sont liés.
Sacrifice
: 1) n’est pas seulement un changement radical de mode de vie, mais aussi 2) la
conséquence d’un formule : « tu deviendras le sujet de la manifestation de la
vérité [Berkeley a, p.
88 : au sujet de toi-même] seulement quand tu disparaîtras ou quand tu te détruiras
en tant que corps réel ou en tant qu’existence réelle [Berkeley a, p. 88 : quand
tu renonces à être le sujet de ta volonté par l’obéissance ou par la mise en
scène symbolique de ta mort] » (p. 88).
Note 48, p. 104-105 : Ce lien est le schéma de la subjectivation chrétienne,
caractérisé d’une manière paradoxale par le lien obligatoire entre
mortification de soi et la production de la vérité de soi-même. Dans le
christianisme, «chercher son salut signifie se soucier de soi, mais ce souci
doit prendre la forme de la renonciation à soi; le souci de soi est quelque
chose de suspect.
Ces
pratiques monastiques annonçaient grandes choses :
1) L’apparition
d’un nouveau type de soi (un nouveau type de relation à soi-même) : le soi gnoséologique qui est lié aux
techniques de soi chrétiennes.
La
technologie de soi chrétienne maintient la différence entre connaissance de
l’être (du monde, de la nature) et connaissance de soi [Berkeley a, p. 91 :
différence avec le soi gnomique qui constitue une unité ontologique de la
connaissance de l’âme et de l’être]. La connaissance de soi prend
forme dans la constitution de la pensée comme champ
de données objectives[12] qu’il
faut interpréter à partir d’un travail de verbalisation continue des cogitationes [exagoreusis]. (p. 89)
2)
Il y a une oscillation dans le christianisme primitif entre la technologie de
vérité sur soi tournée vers la manifestation du pécheur et la manifestation de
l’être (exomologesis, ontologique) et
la technologie de vérité tournée vers l’analyse discursive et permanente de la
pensée (exagoreusis, épistémologique).
C’est la technologie de soi épistémologique orientée en direction de la
verbalisation permanente laquelle a remporté la victoire. (p. 89)
Contradiction
et richesse : Dans les techniques dérivées de l’exagoreusis l’herméneutique de soi
implique le sacrifice de soi [Berkeley a, p. 92 : le sacrifice
de soi et un processus de non identité]. Il n’y a pas de production de
la vérité sur soi sans sacrifice de soi. (p.
90)
Problème
de la culture occidentale : comment fonder l’herméneutique sur une émergence
positive théorique et pratique du soi, comment constituer le fondement de la
subjectivité en tant que racine d’un soi positif. [But des institutions
judiciaires, pratiques médicales et psychiatriques, théorie politique et
philosophique : anthropologisme. Berkeley a, p. 92: cette orientation vers une technologie de l’identité
est liée à l’héritage du christianisme].
Position
de Foucault : il faut nous demander si nous avons besoin de cette herméneutique
de soi. Le soi est le corrélatif historique de la technologie construite au
cours de notre histoire. Le problème est celui de changer les technologies
(problème de la politique de nous-mêmes).
Note 50, p. 105-106 : La herméneutique consiste à découvrir, à chercher à
partir de soi et à partir d son expérience en tant qu’elle est une expérience
subjective, quelque chose qui peut valoir universellement comme connaissance
objective de l’être humain. La seule manière de ne pas se donner une essence
humaine c’est d’analyser des pratiques dans leur historicité. Cela évite aussi
bien l’anthropologie positive que l’anthropologie négative [ex. La thèse
existentialiste qui se donne une nature humaine négative].
[1]Ver
en relación a variantes de “Subjectivité
et vérité” y en relación a la
variante en la nota a de la p. 68.
[2]El cristiano no solo hacía
penitencia [faire pénitence], era un pénitent
[3]Comparer avecBerkeley a, p. 74 : “Le
pénitent doit parler”
[4]Surveiller et punir
[6]¿?
[7]« La
question n’est pas “Ai-je tort de penser ce genre de chose ?”, mais “N’ai-je
pas été trompé par la pensée qui m’est venue ?”».
Pensée comme quelque chose d’extérieur, le sujet qui
pense n’a pas l’air d’être actif. Au maximum, il s’agit d’ « une illusion de ma
part au sujet de moi-même ». (p.81)
[8]Différence p. 89. Champ de données
objectives
[9]Note du cours : on devient honteux devant
Dieu. On se manifeste comme pécheur quand on avoue, ce n’est pas seulement
qu’on se reconnait comme tel.
[10]Comment ? Con la renunciación a sí?
[12]Différence
Berkeley a, p. 83-84 , 91:
champ de données subjectives.